17 mars 2009

Le débat sur la loi HADOPI

Jusqu'à présent, je ne souhaitais pas m'exprimer sur ce que je pouvais lire ici ou là sur la manière dont le débat se déroulait entre les différents protagonistes et acteurs concernés par le projet de loi proposé par la ministre de la culture, Mme Albanel. En effet, je me contentais seulement d'observer (ou plutôt de lire) les actes et les arguments de part et d'autres. Seulement, c'est impossible à un moment ou à un autre, de rester insensible à ce qui est dit, tant les enjeux sont énormes en terme d'économie, mais aussi en terme sociologique.

Si l'on reprend à la base, le projet de la loi HADOPI (baptisée "Création et Internet") dans sa finalité est plutôt noble : Empêcher le pillage massif des œuvres culturelles qui sévit actuellement sur le réseau.
En réfléchissant bien, on voit particulièrement que le problème est complexe à au moins deux titres, si ce n'est plus :
  • Pour regarder et identifier les flux qui transitent sur Internet, il faut la technologie ad hoc.
  • Pour identifier les utilisateurs d'où sont à destination ou en provenance, les fichiers piratés,
C'est bien sur ce dernier point que le problème est sensible. En effet, l'adresse IP, adresse censée identifier un internaute, n'est pas figée. En effet, l'association de défense des consommateurs UFC-que choisir a réussi à démontrer sous constat d'huissier qu'il était possible d'usurper une adresse IP. La manoeuvre n'est, certes, pas facile mais pas impossible en ayant le modus operandi sous les yeux. La première question qui se pose est "peux-t-on réellement se servir d'un relevé d'IP pour incriminer une personne ?". Visiblement non.
Quid alors du constat d'infraction, faudrait-il aller chez les gens pour perquisitionner sur la base d'une présomption forte de culpabilité ? C'est déjà ce qui est fait dans le cadre de la loi DADVSI.
On voit nettement qu'avec ce projet de loi, des personnes n'ayant jamais téléchargé le moindre fichier de leur vie pourrait devenir des coupables idéaux... Même des photocopieurs ou des proxys d'entreprise pourraient le devenir !!

Un projet de loi bancal
Au-delà même du simple fait du relevé d'IP se profile la douloureuse question : "L'accès à Internet est-il un droit fondamental ?". La réponse est oui, de toute évidence. C'est un peu comme si, à notre époque, on vous retirait votre boite aux lettres et votre télé (même si dans le projet de loi, les FAI doivent faire en sorte que non). De ce coté de la riposte, je ne comprends pas trop le caractère pédagogique de la chose. En effet, même avec l'accès à internet coupé, vous serez quand même obligé de payer votre abonnement auprès de votre FAI. Pour moi, donner de l'argent contre aucun service ou aucun bien, ça ressemble fort à une amende (même si ça n'en est pas une, puisque l'argent va dans ce cas au FAI de l'abonné).
Beaucoup avant moi, ont avancé le constat de la double peine, ce que je partage aussi.

Nous sommes en droit de nous poser la question : "fallait-il légiférer sur le piratage de masse ?". En mon sens, la réponse est "non". En effet, sur les 18 millions d'internautes que compte la France, 1/3 se dit téléchargeur. Faut-il alors considérer 6 millions de personnes comme pirate ? Ce n'est pas vraiment juste. Si les majors avaient fait la part belle aux offres légales dès le début, nous serions pas dans l'impasse de la "deseducation" de masse.
Le vrai problème est justement de faire cesser les mauvaises habitudes. On ne devrait plus entendre des réflexions et genre "pourquoi je paierai pour quelque chose que je peux avoir gratuitement ?". Pour moi tout le travail se situe à ce niveau. Cette loi part du principe qu'il faille absolument réprimer au lieu d'éduquer (ça, je l'ai déjà dit), c'est aussi se mettre à dos, un bon nombre d'internautes (et bon nombre d'électeurs potentiels) quand ce ne sont pas les acteurs majeurs que sont les FAI. Depuis le début des débats, la mobilisation contre ce projet de loi n'a finalement eu de cesse de croître.
Comment un mouvement qui représente une centaine de milliers d'internautes peut être minimiser à "cinq gus dans un garage" ? Ce n'est pas sérieux de la part de Mme Albanel de vouloir réduire la protestation à ce simple constat, erroné qui plus est. Pourquoi n'essaie-t-elle d'adresser un main tendue vers cette protestation ? A-t-elle peur que la moindre concession de sa part, vide son projet de loi de toute sa substance ? C'est fort probable.
L'acharnement et l'obstination dont fait preuve la ministre est exemplaire en politique, mais complètement déplacé dans ce contexte. À tel point d'ailleurs que l'on se demande s'il n'y a pas de connivence avec le lobby des artistes. Disons-le franchement : dès le début des tractations sur les accords de l'Élysées, les débats ont été biaisé. Avec le départ des associations de consommateurs comment se peut-il que des accords ont pu être signés ? Oublier les consommateurs, c'est hypothéquer les chances de réussite de ces accords. Depuis la loi DADVSI a été votée et entérinée.

La guerre de la com'
Ensuite, il y a la pression qui est faite sur les députés de part et d'autres des protagonistes du débat. Les internautes communiquent à leurs députés, leurs inquiétudes (à juste titre) sur le-dit projet de loi, tandis que la ministre (par deux fois) communique à ces mêmes députés, des mails rappelant les enjeux de la loi (s'il en était vraiment nécessaire).
Ensuite, il y a le discrédit qu'a tenté de jeter la ministre sur l'association "la quadrature du net" : 5 gus dans un garage. Ca se passe de commentaire. D'ailleurs, d'autres l'auront fait avant moi.
La guerre des tranchées est telle qu'il ne se passe pas un seul jour où un communiqué ne traite de telle ou telle personne qui a dit (ou fait) quelque chose en rapport avec le projet de loi. Une chose est certaine cependant, c'est qu'il ne laisse pas indifférent. Tout le monde peut, à bien des égards, se sentir concerné par cette loi.
C'est pour dire, même des pirates, des vrais, se sont récemment illustrés en attaquant le serveur du site "jaimelesartistes.com" par la plus commune des méthodes, une DoS (Deni de service). Mais a contrario de ce qu'a pu declaré la ministre, il s'agit bien là de l'oeuvre d'une poignée d'irreductibles et non le fait, de toute une communauté ! D'ailleurs à propos de ce site, mon avis est plutot amer tant il laisse place au dialogue et au débat. Il ne faut pas longtemps au visiteur pour se rendre compte que ce site n'est qu'un vague outil de promotion du-dit projet de loi.

Pour finir
Je suis intimement persuadé qu'à défaut d'être pédagogique, cette loi se révélera être une véritable gabegie de temps et de moyens pour la république, tant elle est dépassée, contournable, difficilement applicable et surtout moralement inconcevable. Il aurait peut-être fallut qu'il soit construit autour d'une table ronde, réunissant l'ensemble des parties (consommateurs, producteurs, et les distributeurs) concernées, à l'image du grenelle de l'environnement. Et surtout que le projet ait été monté avec tout le temps nécessaire, au lieu de l'urgence qui est faite, ici.
Je pense enfin, que ce projet est une opportunité incroyable de construire un internet responsable et respectueux des droits des artistes et des créateurs, car de cette loi découlera ce que nous ferons de l'internet dans les années à venir.

Mise à jour du 24/03/2009 : en réalité, l'une des pistes sur le devenir de l'internet est la suivante. Où les internautes préféreront mettre 5 ou 10€ dans un logiciel qui leurs permettra de télécharger en toute sécurité. Cet argent au lieu d'aller dans les poches des ayant-droits et des artistes dans le cadre d'une licence globale (par ex.), ira directement dans les poches des développeurs de ce genre d'outils. Pour moi, il est évident que le problème a été pris sous le mauvais angle par notre ministre de la culture.

16 mars 2009

le chiffre du jour : 216

216 : c'est le nombre en millions de sites web en activité dans le monde. 20ans après la création du web par une équipe du CERN (lire ici).
Perso, je pensais que c'était les américains qui en étaient à l'origine, comme quoi...

10 mars 2009

Le mécanisme de la loi HADOPI

Autant dire une usine à gaz. C'est sans compter les éventuels effets de bord.

Humour : Halte au téléchargement... de Carla !!

Ca se passe de commentaires...

Tendances sur les sjuets HADOPI et LOPPSI