23 juin 2008

Mon plaidoyer contre la loi HADOPI

Vous le savez peut-être, mais ma position a toujours été claire sur les lois qui visent à réglementer et à lutter contre le piratage sur Internet. Certes, Internet est un espace de liberté et il est nécessaire de protéger les plus faibles de ce qui pourrait s'y trouver. Je parle bien sûr, de la lutte contre la cyber-criminalité et la pedopornographie, mais ce sont là de tout autres débats. Mais notre devoir à tous, est de trouver une solution pour qu'au final tout le monde puisse y trouver son compte sans brimer son voisin dans ce merveilleux outil que représente Internet.

Les pressions

Certains voudraient y voir une gigantesque machine à faire de l'argent et ils ont partiellement raison. En effet, au début d'Internet, celui-ci n était qu' une vaste étendue de panneaux publicitaires, avant de devenir plus tard, une galerie marchande à ciel ouvert sans commune mesure. Mais ils ont aussi tort, car au-delà du simple fait d' afficher des pages (ce qu' était en réalité, le web 1.0), Internet est intrinsèquement un outil de communication et de sociabilisation. J'entends les mails, les blogs, les réseaux sociaux, etc... A partir de ce constat, il apparaît normal que les gens cherchent à s échanger tout type de médias. Mais bien entendu, ces échanges ne doivent pas se faire au détriment de ceux qui les fabrique (artistes, comédiens, dessinateurs, etc...)

Les bases du piratage

Le piratage, car en réalité, c'est de cela dont il s' agit, relève d'une attitude à la fois désinvolte et irresponsable de la part de l' industrie des médias. Pourquoi me demanderez-vous ? Parce qu' il est, de nos jours, impensable de payer 1€ pour un seul morceau de musique (le resserrement du pouvoir d'achat des ménages n'aidant pas). Évidemment, cela soulève l'épineux problème du coût réel des œuvres et de la rémunération des artistes. Mais à l'heure d'Internet ne peut-il pas exister un modèle économique viable où tout le monde y trouverait son compte. Il faut dire ce qui est : l'offre légale est encore loin d' être parfaitement développée. C'est ce que pense la majorité des gens encore.

En réalité, je me demande si les industriels de la musique pense réellement multimédia ? Qu'est-ce que la définition du multimédia ? C'est un terme désignant la réunion sur un même support, géré informatiquement, de textes, de sons, de graphiques et d' images fixes ou animées. Grâce à l'interactivité, ces différents éléments d'information peuvent être associés au coup par coup au gré des besoins de l'utilisateur. In extenso, si un dispositif est capable de lire plusieurs type de fichiers, ces mêmes fichiers doivent pouvoir être lus par autant de dispositifs, c'est logique. Mais là, c'est l'utilisateur qui est brimé avec l'utilisation des DRM. En effet, un titre mp3 téléchargé sur un portable, ne peut être lisible que dessus avec les DRM.

De ce fait, les gens préfèrent échanger entre eux des fichiers qu'ils peuvent eux-mêmes utiliser partout où bon leur semble. Le vrai problème est qu' il n' existe aucun système de rémunération artistique dans ces échanges, alors que les œuvres sortent allègrement du contexte familial, dans lequel elles sont sensées y rester.

Des millions de personnes sous le coup de la loi

En réalité, n'importe qui peut un jour tomber sous le coup de la loi. Je dis bien n'importe qui, car en réalité, cette pratique d'échange est devenue très répandue, à tel point qu'elle est pratiquement entrée dans les mœurs. Je ne dis pas que c' est bien, mais je précise que si une alternative intelligente existait, peut-être que cela serait moins répandu, peut-être même marginal. On est loin du compte, pour ainsi dire. Cette solution intelligente aurait résulté d' une étude approfondie des nouvelles pratiques des consommateurs des nouveaux médias. Elle aurait été aussi un juste équilibre entre une demande croissante et une offre dont l'approche aurait été assurément moins mercantile. Mais ce n'est pas le cas, donc.

Le fonctionnement de la riposte graduée et ses flous... artistiques

Revenons à ce qui nous occupe : la loi HADOPI. En réalité, ce n'est pas tant le volet répressif qui me chagrine. Mais, c'est tout le flou qui entoure son application.
Ainsi, on s'aperçoit que l'envoi de mail aux internautes fautifs par leur FAI, sous l'impulsion de la nouvelle commission HADOPI, créée pour la circonstance, n'est qu'une option facultative dans le processus de riposte graduée (le terme "peut" est utilisé dans le texte) !
Ensuite, il y a le fait que l'internaute fautif peut ne pas être le pirate recherché. Je m'explique en réalité, les forces de l'ordre pourront relever l'adresse IP de l'ordinateur ayant servi au téléchargement. Or nous savons que dans un foyer, l'ordinateur peut être utilisé par tout à chacun, mais aussi que les accès wi-fi les moins bien protégés pourraient être détournés à l'insu de leur détenteur officiel. Dans ce cas précis, la loi demande expressément à l'internaute de faire tout le possible, afin afin de ne pas revoir son accès détourné une fois de plus. La cadence d'envoi de ces mails d'avertissements sera d'environ 10.000 par jour, nous promet la ministre de la culture, Mme Albanel.
Du coup, on est en droit de s'interroger sur le bien-fondé d'une telle méthode de répression, et de sa véritable efficacité. Là aussi, Mme la ministre nous certifie, exemple anglais à la main, que ce système est viable et efficace, puisque outre-manche, la délinquance multimédia aurait fondue de 80% ! Ici aussi, l'internaute aura très peu de recours, si sa faute est avérée, puisque la sanction ne sera pas prononcée par un juge au pénal, mais par la commission HADOPI. Le recours ne sera possible qu'après que la faute ait été reconnue et appliquée dans ses sanctions (coupure de l'accès, par exemple)

Une offre légale, peu présente.

Il faut dire ce qui est : ce ne sont pas les ayant-droits qui ont été moteur sur la mise en place de ces offres. Il y a fallu que les opérateurs tractent avec les maisons de disques pour que celles-ci puissent ouvrir leurs catalogues et pas à n'importe quel prix aussi. Certes, ce n'est pas gratuit (décidément il va falloir que je perde cette manie du tout-gratuit !!), mais souvent c'est au détriment du consommateurs (DRM, nombre limité de téléchargements, étroitesse du catalogue, etc...). C'est pourtant dans ce genre d'exercice que devraient se lancer les producteurs de musique, car ce genre de média est sensé devenir l'avenir.

Pour finir....

Pour conclure, cette loi qui a d'abord été faite pour privilégier les droits des ayant-droits, alors que le droit de la copie est acquitté à chaque achat de support vierge, est inique. Non seulement, elle introduit une double sanction (prison et pécuniaire/accès) quand l'arrangement à l'amiable ne pourra pas être possible. Mais aussi, elle prive les consommateurs du droit qui jusque là n'avait jamais posé de problème jusqu'ici, l'exception pour copie privée.

De surcroît, il semble normal que nous puissions disposer d'un téléchargement sans limite et sans contrainte dans le sens ou tout à chacun s'acquitte désormais d'une taxe sur les supports vierges (CD, DVD, Blu-ray, disque dur interne et externe, mémoire vive, supports multimédias à mémoire, etc...). A partir de là, le seul débat qui puisse exister à ce niveau est la répartition des recettes liées à cette taxe. Il est donc anormal que les internautes ne puisse pas avoir le droit de télécharger sans crainte d'être poursuivi par ceux-là même qui bénéficieront des subventions qui en découleront logiquement. Mais là encore, le problème de la juste rémunération des artistes doit être au centre des débats.

Les industriels gagent sur le fait que la répression fera revenir les consommateurs vers les bacs. Mais il est fort probable qu'ils pourraient aussi se passer d'une mauvaise publicité, liée à la condamnation d'internautes. Rien n'est moins sûr. L'avenir nous dira aussi si ils avaient raisons et leurs secteurs sera moins en crise, qu'il ne l'est actuellement.

Pour plus de renseignement sur la loi HADOPI (renommée "Création et Internet"), voir le dossier PCInpact

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