23 avril 2009

Les solutions et les alternatives au piratage des oeuvres protégées sur Internet

C'est un vaste sujet que celui que je m'apprête à traiter. Cependant loin d'être exhaustif, je veux juste faire un constat sur la situation actuelle et un état des lieux des solutions qui existent à l'heure actuelle.

La situation actuelle
Elle est pour le moins ambiguë. En effet, actuellement, un certain nombre (relativement important) d'œuvres protégées par les droits d'auteurs circulent sur Internet sans pour autant qu'il y ait rémunération des artistes qui en sont à l'origine. Les ayant-droits en sont conscients et essaient de leur coté de faire sorte qu'il puisse y avoir rémunération (de gré ou de force, nous allons voir plus loin). D'un autre coté, nous avons le marché des supports physiques (CD notamment) qui continue immanquablement de s'effondrer depuis 2003. De surcroît, celui-ci n'arrive pas à être compensé par l'accroissement régulier des ventes numériques en ligne. Encore d'un autre coté, il y a le consommateur, intervenant en bout de chaîne, ce dernier est obligé de subir ce que dicte le marché, donc ce que dicte les distributeurs. On peut comprendre aussi que le piratage vienne d'un sentiment de négation de cet état de fait. Attention, je ne cherche pas à excuser le piratage, mais le public toujours plus en proie à la consommation effrénée de culture (on le voit dans la fréquentation des concerts, ce qui au final devrait être une bonne chose) ne comprend pas que la culture devrait avoir le prix qu'elle a. Quelque part, il y a une remise en cause du système par une frange de cette population consommatrice, chose que les distributeurs de culture ne sont pas prêts à accepter.

Qui dicte quoi ?
Je serai tenté de poser la question différemment : "Qui fait le marché ?". En d'autres termes, "Où se trouve l'offre ?" et "Où se trouve la demande ?"
A la première question, la réponse est composite. En effet, l'offre est plutôt multi-canaux. A ceci, il faudrait aussi distinguer l'offre légale (Streaming, distributeurs, accords avec des opérateurs, etc...) et celle illégale (P2P, bitTorrent principalement). Concernant l'offre légale, elle est encore sous-représentée, l'accès aux catalogues pas toujours très simple. Aussi, les tarifs appliqués semblent aussi constituer un frein dont les distributeurs ont des difficultés à s'affranchir.

A votre avis, pourquoi tant d'internautes téléchargent illégalement ?
Parce que tout le monde le fait.
11,7 %
Parce qu'ils ne sont jamais punis.
4,2 %
Parce qu'ils trouvent que les disques et les DVD sont trop chers.
82,4 %
Parce qu'ils ne savent pas que c'est illégal.
1,7 %
source : 01net

Pour en finir avec le sujet de l'offre légale, le streaming (Deezer, Jamendo, lastFM, etc...) commence à faire des émules mais peinent à trouver un modèle économique efficace (notamment financé par la publicité) et remet en cause simplement la pérennité de leur activité, et ce malgré, je le rappelle, un engouement croissant de la part du public.
Pourtant, les solutions économiques existent (nous verrons cela plus loin).
En ce qui concerne "l'offre illégale", son avantage est bien entendu la richesse du catalogue et sa diversité. Il est ainsi possible de trouver aussi bien un chant de messe, que le dernier titre à la mode, mais aussi des logiciels, des documents, etc... Mais, il y a aussi l'accessibilité aux contenus. Il est particulièrement facile, une fois sur un logiciel de P2P d'aller chercher le contenu que l'on désire, un peu comme si l'on piochait dans un répertoire dans l'explorateur Windows. De l'avis même des distributeurs, le problème du piratage ne connaitra pas d'issue favorable (faut-il le dire, pour tout le monde) tant que la balance penchera en faveur de l'offre illégale.

Quid de "qui fait la demande ?". La réponse est simple, ce sont vous et moi, simples consommateurs de culture, qui en faisons partie. Il faut dire que ces dernières années, nous avons été tellement habitués à consommer de la culture dans tous les sens du terme et de n'importe quelle manière (la convergence des médias aidant). Il faut dire donc que les attentes du public pour les œuvres culturelles deviennent de plus en plus fortes. De ce principe, les distributeurs devraient être contents. Néanmoins, pour aller plus loin dans la description, la demande est composée de plusieurs segments du mélomane au consommateur occasionnel. Ces segments sont de différentes tailles et pour certains, les moins nombreux, l'offre actuelle est très nettement insatisfaisante. Pourtant ce n'est pas parce que l'offre n'existe pas, que la demande n'existe pas, non plus. Surtout que Internet aidant les gens à se regrouper, certaines minorités qui jusque là semblaient géographiquement invisibles peuvent devenir virtuellement visibles.

Quand on connait les attentes de chacun, normalement on devrait penser que dans le cadre d'un commerce normal, les gens paient ce qui leur semble normal de payer. Ça ressemble à une lapalissade, mais c'est loin d'être une évidence pour tout le monde. Dans le cas du commerce des œuvres culturelles, normalement tout le monde devrait y trouver son compte seulement ce n'est pas le cas, pourquoi alors ? Parce que les tensions sont nombreuses sur le marché et il existe aussi de très nombreux intervenants (producteurs, publicitaires, médias, etc...). Ce qui rend le marché de la musique opaque et rentable à faible échelle, pour chacun d'entre eux. Au final, c'est bien le consommateur qui paie l'addition, ou du moins tel est son sentiment en tout cas. On voit donc que la distribution est en position de force par rapport à la demande, ce qui, à mon avis, pour de la culture devrait être l'inverse.
L'inversion de cette tendance pourrait être illustrée par cette nouvelle tendance de la promotion par les internautes d'artistes peu connus jusqu'alors (Grégoire et Sliimy en sont les parfaits exemples), mais aux talents certains.

En ce sens, je pense que les majors cherchent tout simplement à conserver ce rapport de force en l'état, car c'est bien ce phénomène qui fait vendre, à coup sur.

Une période charnière
Nous vivons actuellement une période charnière, qui voit les anciens mode de distribution se transformé. Alors que, les ventes de supports physiques tendent à décliner, les ventes dématérialisées peinent à trouver leur public. Pourtant nous voyons clairement le besoin qui est de vendre sur Internet : la demande ne s'est jamais aussi bien portée.
D'ailleurs, on pourrait se demander si le piratage y est vraiment pour quelque chose dans le déclin des ventes physiques. Certains vont répondraient que oui, d'autres que non.
L'avantage de cette période de transition est qu'elle met les majors au pied du mur, obligés de relever de nouveaux défis, autres que ceux qui constituaient leur cœur de métier, c'est à dire produire et chercher de nouveaux artistes. Il leurs revient maintenant a eux de trouver de nouveaux moyens de faire vendre les artistes.
Je parle de la musique, mais le monde du cinéma est aussi concerné de la même façon par le problème, même si d'aventure, les solutions ne seraient pas les mêmes à mettre en place.

Il est franchement temps de réfléchir à de nouveaux modes de rémunération des artistes, qui puissent être en harmonie avec les désirs/exigences du public.

Les solutions

De mon point de vue, il me semble que la musique est un peu gérée comme des denrées au même titre que le pétrole, ou le blé. Mais il serait largement temps qu'elle soit gérée comme un grand supermarché, c'est à dire dans sa globalité. Je m'explique.
Avec le succès d'iTunes, la plateforme de téléchargement d'Apple, il est possible de dire que ce genre d'activité peut être rentable. Mais sous certaines conditions...
La première est la richesse du catalogue. En effet, plus le catalogue sera étoffé, plus il aura de chance d'attirer un public éclectique, ce qui constituerait un certain gage de succès. Parler de richesse de catalogue, c'est aussi parler de l'exploitation correcte de la théorie de la longue traine. Cette théorie met en œuvre l'exploitation non pas des "hits" faisant le plus gros volume de vente, mais bien des "bides", les oeuvres ayant fait eu un nombre de ventes physiques très modeste. Toujours selon cette théorie, le volume total des œuvres qualifiées de "modestes" est nettement supérieur au volume total des dix premiers hits ou blockbusters.
En second lieu, le prix. Il faut absolument démarquer le cout "physique" d'un titre du cout "virtuel". En effet, le public comprend mal, surtout dans le cadre d'albums connus et amplement distribués, que ces derniers coutent pratiquement aussi cher qu'en magasin. En ça, un tel mécanisme est loin d'être incitatif. Il ne faut certainement pas perdre de vue que les majors luttent contre le "gratuit". Mais je pense que si l'on retombait sur des prix de l'ordre de 0,40€-0,60€* le titre (seuil minimal de rentabilité), l'attrait s'en trouverait amélioré. Mais cela nécessiterait une politique économique courageuse, rigoureuse et rationnelle.

*toujours d'après l'étude de la traine.


Le troisième point et non des moindres, l'accessibilité et la visibilité des offres. En mon sens, ce point est particulièrement négligé par les distributeurs, même si il s'est amélioré ces dernières années avec l'abandon des DRM, par ex. Mais cette avancée ne fait pas tout. En effet, les logiciels de P2P sont de très bonnes plateformes, techniquement très abouties. Les plateformes de téléchargement légal sont quant à elles conditionnées par les opérateurs (FAI et distributeurs principalement), pas sur donc qu'elles soient vraiment sollicitées dans ces conditions.

On voit clairement que tous ces points ont pour seul objectif de faire pencher la balance du coté des ayant-droits, ce qui n'est d'emblée pas une mince affaire.

A coté de cette démonstration, on voit émerger des artistes qui s'affranchissent des maisons de disques (Nine Inch Nails, Radiohead, pour ne citer qu'eux) et qui se proposent de s'auto-promouvoir via le web. Mais ce mode est loin de faire l'unanimité.

Pour terminer
Le problème est loin d'être résolu, et ce n'est pas en opposant les artistes à leur public que les affaires vont s'arranger. Parce que si le public télécharge un petit peu, c'est aussi le même qui va aux concerts de ces mêmes artistes, qui faut-il le rappeler est un secteur de la profession qui subit le moins les affres de la crise actuelle, puisqu'elle connait une croissance certes légère, mais continue de la fréquentation, déjà depuis quelques années.
Par ailleurs, il ne fait aucun doute que le fait de légiférer sur le problème du piratage ne va pas ramener les internautes indélicats vers les bacs. De surcroit, si le téléchargement nuit aux plus gros vendeurs, il n'est pas évident qu'il nuise aux plus petits, puisque par définition, peu connus. C'est bien là, tout le paradoxe du problème qu'il convient d'étudier sous tous les angles.
Le projet de loi par conséquent s'inscrit de facto dans le mouvement du desiderata des majors, ce qui n'est pas forcément la meilleure des choses pour les clients. Vous me pardonnerez l'image, mais c'est un peu comme si un charretier à force de taper sur son ane, il finit par le voir partir. Une telle loi finira de consommer le divorce entre les artistes et le public, à quoi bon et dans quel intérêt surtout ?


A lire en complément : l'article du monde.fr en date du 20.04.2009

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